Les fleurs de sureau


Les fleurs de sureau, issues du Sambucus nigra (sureau noir), sont utilisées depuis des siècles pour leurs propriétés médicinales et culinaires. Ces fleurs, qui apparaissent au printemps, sont non seulement appréciées pour leur parfum délicat, mais aussi pour leurs multiples bienfaits supposés pour la santé. Cet article explore l’histoire des boissons à base de fleurs de sureau et les légendes autour de l’arbuste, les molécules odorantes et aromatiques de la fleur de sureau, ainsi que les propriétés sur la santé des composants de la fleur.


Date de publication : 07/08/25


Botanique et Distribution

Le genre Sambucus, qui comprend le sureau, était auparavant classé dans la famille des Caprifoliaceae (chèvrefeuille), mais en raison de nouvelles recherches génétiques et d’une reclassification, il appartient désormais à la famille des Adoxaceae. Les plantes de cette famille sont principalement des arbustes et petits arbres avec des baies orange à noires1. Le genre Sambucus comprend de 5 à 30 espèces, natives principalement de l’hémisphère nord.

Sambucus nigra, ou sureau noir, est le sureau qui nous intéresse car ses baies sont comestibles. C’est un arbuste ou un petit arbre pouvant atteindre 10 m de haut, avec une écorce brun grisâtre. Ce qu’on appelle communément les feuilles  sont ici un ensemble de 5 à 7 folioles vert foncé, ovales, pointues et dentelées qui mesurent de 3 à 9 cm de long. Ainsi, la feuille à proprement parlé mesure environ 20 cm de long2. Les fleurs, dont la corolle mesure environ 5 mm de diamètre, sont groupées selon 5 rayons primaires qui s’assemblent en une inflorescence au sommet plat et au diamètre, de 10 à 20 cm. Les fleurs, d’un blanc crème avec des anthères de couleur crème également, sont hermaphrodites. La floraison a généralement lieu en juin et juillet et la forte odeur des fleurs attire les coléoptères, en particulier les longicornes et les mouches, qui assurent la pollinisation. Les fruits, très appréciés des oiseaux, mûrissent pendant l’été. Les graines sont dispersées au gré des défécations aviaires et le sureau se propage ainsi rapidement dans les zones humides et ensoleillées le long des voies ferrées, des routes, des lisières de forêts et des clôtures3.

feuille et fleur de sureau
Fleurs et feuilles de sureau

Histoire et Utilisations des Fleurs de Sureau

Le sureau noir, introduit en Europe depuis le Danemark dès l’époque des Vikings (vers 800-1050 CE), était réputé pour ses propriétés à la fois médicinales et magiques. Appelé Elderflower en anglais, ce nom est probablement dérivé du mot anglo-saxon "aeld", signifiant feu. Le folklore est riche en récits relatant les propriétés curatives de ses baies, et de nombreuses cultures croyaient que la plante pouvait absorber et neutraliser les maladies.

À travers l’Europe, de la Scandinavie à la Grèce, le sureau était considéré comme un protecteur contre les esprits maléfiques. À l’époque pré-chrétienne, on croyait que ces arbres étaient habités par une dryade, une nymphe des arbres. Dans la mythologie nordique, cette entité était connue sous le nom de Hylde Moer, ou Mère du Sureau, également appelée "hyllefrun" ou dame du sureau. Des noms comme Holler, Hylder, Hyllantree, et Holunder lui étaient associés, et des offrandes lui étaient faites pour éviter des représailles, telles que des éruptions cutanées4.

La Mère du Sureau était perçue comme un esprit bienveillant, protégeant ceux qui prenaient soin de l’arbre. Il était coutume de lui demander la permission avant de cueillir des baies ou des fleurs, sans quoi elle pouvait se venger. Cultivé à petite échelle en Europe pour ses vertus médicinales et son usage artisanal, le sureau était aussi utilisé pour ses propriétés protectrices : ses feuilles, branches, fleurs et baies étaient placées autour des maisons et des fermes, et ses feuilles servaient lors de rituels funéraires celtes5.

On croyait aussi que le sureau protégeait contre la foudre. Cependant, dans la tradition chrétienne, il était associé aux sorcières et au chagrin, étant lié à la trahison de Judas et à la crucifixion du Christ. Selon la légende, la croix du Christ aurait été faite en sureau, ce qui expliquerait pourquoi l’arbre serait depuis lors tordu et incapable de se tenir droit. En réalité, diverses essences sont mentionnées selon les sources.

Utilisations Traditionnelles

Les infusions de fleurs de sureau sont réputées pour leurs propriétés diaphorétiques (faisant transpirer), anticatarrhales (réduisant la production de mucus), diurétiques et anti-inflammatoires, et sont ainsi traditionnellement utilisées pour traiter notamment les rhumes et les sinusites4–7. Le bois de sureau était également prisé pour l’artisanat, notamment pour la fabrication de pipes et de jouets7.

Avec l’industrialisation et l’urbanisation, le sureau noir a perdu ses usages traditionnels et est devenu principalement un arbuste ornemental dans les parcs urbains. Cependant, à la fin des années 1970, il a connu un regain de popularité lorsque les citadins ont commencé à récolter ses fleurs pour préparer une boisson rafraîchissante non alcoolisée appelée « cordial »7 qu’on surnomme « champagne des fées » en France.

recette de champagne des fée
Boisson pétillante de sureau

En effet, les fleurs de sureau, qui dégagent un parfum frais et rafraîchissant, sont récoltées et mélangées avec du sucre, du jus de citron et de l’eau pour préparer une boisson fermentée et pétillante. La fermentation se fait en deux étapes. Les levures naturellement présentes dans la fleur, la classique Saccharomyces cerevisiae, digère le glucose du sucre en alcool  et dioxyde de carbone. La seconde fermentation a lieu dans une bouteille fermée afin de piéger le dioxyde de carbone et ainsi rendre la boisson pétillante. Dans les pays de l’Europe de l’Est, cette boisson très aromatique est devenue un symbole de l’été et est souvent offerte aux invités ou apportée comme cadeau lors des invitations7.

Historiquement, les boissons à base de fleurs de sureau sont populaires dans les régions de l’ancien Empire romain, principalement en Europe de l’Ouest et centrale. Plus particulièrement, la boisson est populaire dans les régions alpines et dans les pays de l’ancienne Yougoslavie (Serbie, Slovénie, Monténégro, Bosnie Herzegovine), ainsi qu’en Roumanie et en Bulgarie Dans ces pays, les gens ont développé un goût particulier pour cette boisson et continuent de la préparer de manière traditionnelle ou sous forme de sirop. En Roumanie, le cordial est nommé Socată ou suc de soc. On peut y ajouter différents arômes (zestes de citron, basilic, raisin sec). La marque allemande de soda Fanta, en plus de sa version orange plus célèbre, distribue une version Shokata à base de fleur de sureau.

Les fleurs de sureau sont aussi utilisées pour préparer une variété de plats et de boissons, y compris des desserts, des salades, des glaces, des confitures et des boissons alcoolisées.

Molécules Odorantes et Aromatiques

Les fleurs de sureau sont riches en composés aromatiques qui contribuent à leur parfum distinctif. On y décèle des notes de miel, de poire, de lychee, de rose et d’agrumes. En cause, une centaine de composés volatils dont la tendance à être sous forme gazeuse à température ambiante favorise l’inhalation.

On trouve dans les fleurs de sureau principalement des molécules de la famille des alcools, des aldéhydes, des hétérocycles et des terpènes, qui participent au bouquet aromatique. Souvent, les molécules d’une même famille ont des propriétés similaires (volatilité, odeur) parce qu’elles se ressemblent : il y a des similarités dans la manière dont les atomes de carbone, d’hydrogène et d’oxygène qui les composent se lient les uns aux autres.

Ainsi, ce n’est pas une molécule unique qui donne à la fleur de sureau son odeur caractéristique mais un assemblage de molécules qu’on peut également retrouver dans d’autres plantes, d’où des ressemblances olfactives. On peut ainsi reconnaître des notes de fragrance grâce à ces molécules partagées entre différente plantes. L’odeur des fleurs de sureaux se décompose en 3 grandes classes différentes : les fragrances florales, les fragrances fruitées et les fragrances herbacées. Ces trois grandes familles de fragrances sont des combinaisons de molécules caractéristiques8. Pour les fragrances florales il s’agit de :

  • Le cis-Rose Oxyde, un hétérocycle (C10H18O), a un arôme floral et rosé. On le trouve également dans les huiles essentielles de rose et de géranium, ainsi que dans le vin alsacien Gewurztraminer. Même s’il n’est à hauteur que de 10% de la masse totale des molécules aromatiques de la fleur, c’est une molécule signature de la fleur de sureau. Sa sœur jumelle, le trans-Rose Oxyde (4%) est aussi une molécule typique de la fragrance de rose.
  • L’Hotriénol (C10H16O), un alcool, apporte aussi une note florale et légèrement fruitée dans le Kiwi. Il est aussi présent dans le vin blanc dont il est un composé aromatique important. L’hotréinol représente 20 % de la masse des composés aromatiques du sureau.
  • La fleur compte aussi sur le linalool, un alcool terpénique (C10H18O) connu pour son arôme floral et légèrement épicé présent dans de nombreuses plantes, y compris la lavande, le basilic et la coriandre (15%  de la masse totale des fragrances du sureau).
  • Le Nérol Oxyde (C10H16O), un autre hétérocycle, est présent à hauteur de 2%et donne un arôme floral doux. Il est aussi présent dans les huiles essentielles de néroli et de citron.
  • On trouve enfin 1% d’ɑ-terpineol (C7H8O), un terpène présent dans les huiles essentielles de pins ou d’eucalyptus.

L’odeur herbacée est le fait notamment d’un alcool :

  • Le (Z)-3-hexen-1-ol qui représente 10% des composés aromatiques volatils de la fleur. C’est un composés aromatique très répandu dans le raisin, le kiwi, la tomate ou encore le thé[1]. Il a cette odeur d’herbe caractéristique.

Parmi les molécules à odeur fruitée et herbacée, on compte un certain nombre d’aldéhydes8 qui pèsent pour 3% des molécules volatiles. Ces molécules ont la même structure mais se distinguent par leur nombre croissant d’atomes de carbone :

  • Le pentanal : chaîne linéaire de 5 atomes de carbone à l’odeur de fruit et de vanille,
  • Avec 6 carbones : l’hexanal (note d’herbe, argrume, pomme),
  • L’heptanal, présent dans l’ylang ylang, le citron, la jacinthe, l’orange amère Il a une note de fruit et de citron et comporte 7 carbones,
  • Et enfin, avec neuf carbones, le nonanal à l’odeur herbacée et grasse. Il est présent dans les agrumes et certaines huiles essentielles comme l’huile de citron et a été identifié comme molécule attirant les moustiques.

Une autre molécule pouvant être très importante, notamment dans le goût du sureau, mais qui a des concentrations très variables :

  • La β-damascenone (C13H18O), une cétone qui, comme son nom l’indique, se retrouve dans la rose de Damas, mais aussi dans le bourbon !

L’octan-1-ol (C10H18O) quant à lui apporte une odeur épicée ; le 2-phényléthanol (C8H10O) a l’odeur de rose et des notes de jacinthes, le cis-Linalool oxide C10H18O2 (7%) apporte une note florale et camphrée ; le citronellol (1%) une note citronnée et de citronnelle.

molécules aromatiques du sureauMolécules des fleurs de sureau

Les effets sur la santé

Comme souvent quand il s’agit des plantes, de nombreuses allégations sur la santé sont de mise. Utilisations traditionnelles, extraits concentrés ou décoctions variées, qu’on parle du fruit ou de la fleur, le sureau contient des molécules certainement très intéressantes. Mais ses usages empiriques ne sont aujourd’hui soutenus que dans une certaine mesure par des études scientifiques. En effet, les études sont réalisées principalement in vitro et sur modèles animaux. Au final, les preuves cliniques robustes sont encore limitées : des études avec un mode opératoire clair, un nombre suffisant de patients et qui apportent des preuves définitives ne sont pas encore disponibles.

Ainsi l’Agence européenne des médicaments conclue que les fleurs de sureau peuvent être utilisées pour soulager les premiers symptômes des rhumes. Cependant, elle précise que l’efficacité des fleurs est possible, mais que, d’après les différentes études à sa disposition, il n’y a pas assez de preuves pour un effet avéré9. Cette reconnaissance a également été supportée plus récemment par des/une ? revues de la littérature qui accordent au sureau de possibles bénéfices dans les cas de légers de refroidissement. En 2019, l’OMS ne soutenait aucune autre indication pour le sureau du fait de niveaux de preuve insuffisants11,10. Elle avait étudié la validité de ses usages traditionnels suivants :

  • Traitement des infections des voies respiratoires, état fébrile, toux, grippe, et inflammations de la gorge.
  • Effet diurétique et antidiabétique.
  • Infusions pour des propriétés diurétiques, laxatives, diaphorétiques et anti-inflammatoires.

Les bienfaits du sureau sont associés à la richesse de la fleur en composés secondaires bioactifs, notamment les flavonoïdes, les triterpènes et les acides phénoliques.

Les flavonoïdes sont présents jusqu’à 3% dans les fleurs et incluent des molécules comme la quercétine, la rutoside (rutine), le kaempférol, l’astragaline, l’isoquercitrine et l’hyperoside. Ces composés sont décrits comme ayant des effets antioxydants et anti-inflammatoires. Des études in vitro suggèrent également un effet antidiabétique, ce qui représenterait un intérêt potentiel pour la régulation de la glycémie. 

Les triterpènes, présents à environ 1%, comprennent l’acide ursolique, l’acide oléanolique, l’α-amyrine et la β-amyrine qui ont des effets anti-inflammatoires. Toutefois, ici aussi, aucun étude conclusive spécifiquement que les fleurs n’a été identifiée .

Des études in vitro et chez le rat ont montré que des extraits de fleur de sureau et d’autres plantes provoquent une augmentation du flux urinaire (effet diurétique). Ref ?

L’ensemble des composés de la fleur sont intéressants et potentiellement bénéfiques. Mais les preuves cliniques restent très limitées : aucun essai clinique robuste s’intéressant spécifiquement à la fleur de sureau n’a montré d’effet probant. Ainsi, les effets doivent être considérés comme biologiquement plausibles mais encore supposés, en attente de validation par des essais contrôlés chez l’humain.

Conclusion

Les fleurs de sureau ont un parfum puissant et apprécié riches de mythes et d’histoire, elles renferment de nombreuses molécules potentiellement bénéfiques mais dont les faibles concentrations limitent les effets et n’a que peu été étudiée dans la clinique.



Phosphoré par : Adrien Gontier, Catherine Jaeger

Mots clefs : sureau boisson

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Références ▼

[1] Jordheim, M., Giske, N. H. & Andersen, Ø. M. Anthocyanins in Caprifoliaceae. Biochemical Systematics and Ecology 35, 153–159 (2007)
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[5] Uhl, K. & Mitchell, A. E. Elderberry, an Ancient Remedy: A Comprehensive Study of the Bioactive Compounds in Three Sambucus nigra L. Subspecies. Annual Review of Food Science and Technology 15, 27–51 (2024).
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[9] Sambuci flos - herbal medicinal product | European Medicines Agency (EMA). https://www.ema.europa.eu/en/medicines/herbal/sambuci-flos (2009).
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[11] Mahboubi, M. Sambucus nigra (black elder) as alternative treatment for cold and flu. ADV TRADIT MED (ADTM) 21, 405–414 (2021).



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